La Communidad Inti Wara Yassi (soleil, étoile et lune en quechua, aymara et guarani respectivement, CIWY) est une ONG bolivienne de conservation de la biodiversité, Elle gère 3 centres de gardiennage d´animaux de la jungle amazonienne, ces derniers appartenant tous à l’état. Depuis plus de 20 ans, CIWY tente ainsi de fournir la meilleure qualité de vie possible à la faune sylvestre sauvée du trafic illégal (il y aurait 20 millions de spécimens sortis illégalement d’Amérique du Sud tous les ans), mais son objectif est aussi de diminuer ce trafic par des programmes éducatifs et des actions publiques. Cette organisation a la particularité d’être en majeure partie financée par ses volontaires, et plus ponctuellement par des donations.

En Bolivie, comme dans beaucoup d'autres pays disposant d’importantes zones naturelles, de nombreux animaux exotiques sont chassés et revendus sur le marché noir. Les bébés sont très recherchées car plus faciles à domestiquer chez des particuliers, les mères étant généralement tuées car impossible a réhabilitées. Ces bébés, élevés sans leur mère, n’ont donc jamais appris à satisfaire leurs besoins dans leur propre milieu (s'alimenter, se protéger des prédateurs, …). Ils sont aussi plus sujets aux maladies car ils n'ont pas reçu le lait maternel nécessaire à leur développement (carences), sans mentionner les abus fréquents et la maltraitance. Parfois, les animaux sont directement apportés par des particuliers qui n'arrivent plus à gérer un jaguar adulte par exemple (cout alimentaire, ...), ou bien sont simplement déposés car ils ont été trouvé blessés ou abandonnés. D'autres animaux proviennent aussi de zoos boliviens n’ayant plus assez d'espace. Quoi qu’il en soit, tous les animaux présents dans les centres CIWY ont eu une première vie, généralement difficile, et à l’origine de comportement à problèmes ou de stress pour le reste de leur vie. L’objectif est bien entendu d’essayer de relâcher ces animaux, mais dans la pratique cela se révèle le plus souvent impossible : habitués aux humains, ils risquent de trop s’en approcher et de créer des peurs chez les fermiers ; ils risquent également d’être à l’origine de contagion de maladie chez les animaux sauvages ; et pour finir le processus de mise en liberté est long et difficile d’un point de vue juridique. Afin d’améliorer leur vie en captivité, des méthodes dites d’enrichissement sont mises en oeuvre (fixer des objectifs comme plus d’exploration et observer la réponse de l’animal afin d’apporter si besoin des modifications appropriées). Ces dernières permetteraient d’augmenter la gamme de comportement sylvestre et de diminuer la fréquence des comportements anormaux (agression, mutilation, perte d’intérêt pour la nourriture ou l’inverse, …).

Mon experience de 2 semaines dans le parc Ambue Ari a été très forte. Avec plus de 800 hectares, il s’agit du centre le plus grand de CIWY. Cependant, du fait de pratiques des agriculteurs locaux, une partie importante a souffert de déforestation. Le parc représente donc aujourd’hui une zone franche isolée de la jungle à l’intérieur de laquelle beaucoup d’animaux sauvages trouvent refuge (plusieurs espèces de singes, des cochons sauvages, ...). Ce centre héberge une trentaine de chats (ocelot, puma, jaguar), des singes (nocturnes et hurleurs), et des animaux dits de maison (parabas, toucans, coatis, …). Son fonctionnement dépend à 85% de l’argent des volontaires (37% nourriture animale, 15% construction, 15% salaires, 13% nourriture volontaire). Pour tous les gros postes de dépenses des levées de fond sont réalisées (nouveaux enclos par exemple). Ne restant pas assez longtemps pour m’occuper de chats (sur la vingtaine de volontaires internationaux présents à mon arrivée, tous s'etaient engagés pour un mois minimum dans ce but), mon travail a consisté à la gestion de la zone de quarantaine (espace protégé ou les animaux sont placés à leur arrivée au centre), et plus spécifiquement à balader un bébé singe nocturne de 6 mois environ et à lui faire découvrir son milieu naturel. Sur mon court temps de présence au centre, une relation de complicité s’est créée entre nous et j’ai pu noter de réelles évolutions (balades plus longues, plus d’aisance et de confiance en lui dans les arbres). Je suis heureux d’avoir pu participer à l’amélioration de son quotidien et à nourrir sa curiosité toute naturelle, surtout en sachant qu'il passera toute sa vie en captivité. Outre ces balades, beaucoup de mon temps a été consacré aux oiseaux et autres animaux : nourrir, nettoyer les cages, et enrichir (nouvelles branches dans les enclos, jeux de nourriture, …). D'un point de vue plus personnel, ce volontariat n’a pas été de tout repos (longues journées, chaleur suffocante, moustiques à foison, conditions de logement et nourriture très frugales). Malgré ces conditions de vie assez rudes, ou peut être à cause de celles-ci, les volontaires s’organisent et s’entraident de manière autonome et l’ambiance de travail est très conviviale. Cependant, dans le cadre de la gestion du centre, quelques remarques peuvent être formulées : tout dabord, les nombreuses nuisances sonores donnent parfois peu l’impression d’être dans la nature (campement proche de la route, générateur d'électricité fonctionnant à l'essence). Dans ce sens, on peut se poser la question de l’organisation des priorités. En effet, depuis quelques années des câbles électriques sont disponibles au niveau de la route, mais l'achat d'un transformateur électrique n'a pas encore été retenu (même si la source d’énergie n’est probablement pas plus écolo, une source d’électricité continue constituerait un réel avantage pour la garde des fruits et légumes à destination des animaux ; moins de gaspillage donc économies et meilleur respect des diètes). Une autre remarque concerne le savon utilisé pour nettoyer plateformes et récipients des animaux. En effet, ce désinfectant n'est ni plus ni moins que du liquide vaisselle premier prix... A la vue des quantités importantes déversées dans la terre chaque jour (dans les enclos ou en dehors), on ne peut qu'espérer une modification rapide.

Pour finir, bien que je n’ai pas directement travaillé avec des chats (afin qu’il y ait le moins de turnover de volontaires possible, il faut rester au minimum 1 mois pour s’occuper d’un puma et 6 semaines d’un jaguar), il semble au premier abord que vouloir les promener en laisse, dans un but d’enrichissement (exploration, odeurs, ...) et afin d’améliorer leur chance d'avoir un comportement naturel, soit contre leur nature de félins libres et indépendants. De plus, ces promenades sont très dangereuses : à tout moment le chat peut surprendre le volontaire et avoir un comportement inhabituel. Cependant, après avoir pu assister à l’une d’entre elles en remerciement pour mon travail de 2 semaines, je pense que cela améliore réellement la vie du chat. En tout cas, pour le puma avec lequel je suis sorti, Carlos, on voit clairement qu'il prend du plaisir à sentir les odeurs, marquer son territoire, faire des siestes, se rouler dans l’herbe. Ainsi, le travail de chaque volontaire, parfois très rude, peut réellement améliorer la vie des animaux dont il s’occupe.

Malgré certaines difficultés, le parc Ambue Ari est un endroit merveilleux dont on apprend à profiter avec le temps, notamment après s’être habitué à gérer l’emmerdement permanent des moustiques... Tout comme cette organisation,
je me plais desormais à croire qu’un autre monde est possible, dans lequel la faune sylvestre peut librement vivre dans son habitat naturel, sans danger de chasse, de capture ou de destruction de son écosystème !